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Interview

Jean-Marie Dinh, journaliste média pour AlterMidi

Y’a-t-il un AVANT et un APRES 2019 pour les médias en général et pour le vôtre en particulier ?

La contestation citoyenne du traitement de l'information et le retard des médias à traiter la question des violences policières marquent certainement un tournant révélateur. Les événements sociétaux qui se sont déroulés en 2019 interrogent le cadre dans lequel les mass média évoluent et par conséquent le projet d'une instance déontologique, soutenue par l'État, censée cadrer les pratiques journalistiques.

Pour Altermidi qui élabore sa ligne éditoriale régionale en croisant pratiques journalistiques et contributions de la société civile, l'année 2019 a été riche d'expériences. Des liens ont été tissés en Occitanie et en PACA avec un certains nombres d'acteur·ices dans différents domaines.

En quoi l’année 2019 a-telle changé quelque chose pour la profession ?

2019 est l'année de la tentative de perquisition de Médiapart et des auditions de journalistes par la DGSI. Comme en 2018, avec la loi sur le secret des affaires, les atteintes à la liberté de la presse qui ont émaillé l'année 2019 en France invitent à repenser les fondements de la profession en réaffirmant notre indépendance et le droit de pratiquer notre métier.

Les réseaux sociaux ont-ils eu une influence positive ou négative dans la pratique de votre métier ?

Les réseaux sociaux et les pratiques qu'ils génerent, vitesse de diffusion, déréglement du marché publicitaire, démultiplication de l'accès à l'information, fake news, capacité d'interactions, phénomène d'auto satisfaction... ne remplacent pas les médias. Ils sont pourtant devenus incontournables pour les médias comme dans la pratique du métier de journaliste. Leur influence est donc incontestable, il appartient à chacun d'en faire le meilleur usage.

Entre la défiance des pouvoirs publics et la perte de confiance du grand public, votre traitement de l’information a-t-il évolué ?

Oui, nous travaillons sur la valorisation de l'information, notamment régionale, en prenant de la distance. Nous nous efforçons de constituer notre propre agenda politique, de diversifier nos sources et nos champs d'explorations géographiques sans délaisser les zones rurales et péri-urbaines, et nous ne partons pas à la chasse aux clics.

Comment avez-vous vécu l’année 2019 en tant que journaliste ?

Avec le sentiment que nous pratiquons un métier formidable qu'il importe de défendre et de redéfinir.  Les critiques du grand public ne distinguent pas toujours l'orientation donnée par la direction d'un média de la marge qu'elle laisse aux journalistes qui y travaillent, mais elles sont en grande partie justifiées. Les grands médias défendent l'idéologie néolibérale et marginalisent les points de vue contraires tandis que les journalistes cédent souvent à la facilité par opportunisme, ce qui n'exclut pas leur responsabilité politique. L'émergence de nouveaux médias et d'autres formes de pratiques doivent être soutenues et encouragées. Les journalistes expérimenté·es ne peuvent pas camper sur une position coorporatiste. Ils ont des choses à transmettre. Notre métier est aujourd'hui menacé. J'ai la conviction qu'il va renaître, parce qu'il est essentiel à notre démocratie.

 

Propros reccueillis par Lucile Cérède pour le Club de la presse

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