Critique des réseaux sociaux
Sa colauréate, la journaliste philippine Maria Ressa, a lancé une virulente attaque contre les géants technologiques américains, coupables selon elle de laisser par cupidité se déverser « une boue toxique » sur les réseaux sociaux.
Cofondatrice du site d’information Rappler, la journaliste s’en est prise aux « entreprises américaines de l’Internet » comme Facebook, Twitter et YouTube, sans les nommer explicitement. « Ces entreprises américaines (…) sont fâchées avec les faits, fâchées avec les journalistes. Par nature, elles nous divisent et nous radicalisent », a-t-elle expliqué, en précisant que leur technologie « a permis au virus du mensonge d’infecter chacun de nous, nous dressant les uns contre les autres, faisant ressortir nos peurs, notre colère et notre haine, et préparant le terrain pour la montée des dirigeants autoritaires et des dictateurs ».
Aux manettes de Rappler, un site très critique du président philippin, Rodrigo Duterte, Mme Ressa est l’objet de sept poursuites judiciaires dans son pays qui pourraient, selon elle, lui valoir au total une centaine d’années de prison. Condamnée pour diffamation l’an dernier mais en liberté conditionnelle, elle a été contrainte de demander à quatre tribunaux la permission d’aller chercher son Nobel.
Record de journalistes emprisonnés
Au 1er décembre, au moins 1 636 journalistes avaient été tués sur la planète en vingt ans, selon un bilan de Reporters sans frontières, dont 46 depuis le début de l’année. Par ailleurs, avec 293 reporters derrière les barreaux, jamais le nombre de journalistes emprisonnés dans le monde n’a été aussi élevé, d’après le Comité pour la protection des journalistes.
« Rapporter l’information au public peut en soi prévenir la guerre », a résumé la présidente du comité Nobel norvégien, Berit Reiss-Andersen : « Le rôle de la presse est de lever le voile sur les agressions et les abus de pouvoir, et de contribuer ainsi à la paix. »
La cérémonie d’Oslo a aussi vu le chef du Programme alimentaire mondial, David Beasley, prononcer le discours de remerciement pour le Nobel attribué l'an dernier à l’agence humanitaire de l’ONU. En 2020, les festivités avaient été annulées à cause de la pandémie.
Article du journal LE MONDE, publié le 11 décembre 2021.