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Société sous influence : cherchez l’info !

Chaînes Youtube d’influenceurs·ses, blogs, podcasts… Pas toujours simple de distinguer l’information de la prise de position ou du contenu publicitaire. Retour sur la déontologie de la presse en ligne avec Anne-Claire Marquet, directrice du Spiil (1).

Quels sont les critères d’adhésion au Syndicat de la Presse Indépendante d'Information en Ligne ?

Le Spiil rassemble des éditeurs·trices de presse en ligne. Il faut donc éditer au moins un titre de presse à caractère journalistique, quel que soit son support (presse écrite ou audiovisuelle) et disposer d'au moins un·e journaliste professionnel·le dans son équipe. D’autre part il faut mettre à disposition du public un contenu original composé d’informations ayant fait l’objet d’un traitement à caractère journalistique (recherche, vérification et mise en forme de l’information). Enfin, dans le respect de la Charte de Munich des droits et des devoirs des journalistes, l’éditeur·trice doit tout mettre en œuvre pour assurer l’indépendance éditoriale de sa ou de ses rédactions. À ce jour le Spiil réunit 260 entreprises de presse représentant près de 320 titres de presse reconnus.

Certain·es influenceurs·euses se sont imposé·es sur la toile pour leurs informations pertinentes et la façon originale de les diffuser (HugoDécrypte par exemple). Quel regard portez-vous sur ces initiatives ?

Nous ne pouvons pas ignorer cette nouvelle manière de produire de l’information en ligne. Quiconque réalise un réel travail de sourcing, de croisement et d’analyse des informations doit être reconnu·e comme un acteur ou une actrice de l’information. Nous pouvons les accueillir de façon temporaire s’ils·elles ont vocation à embaucher un·e ou des journalistes, et les accompagner pour les aider à créer leur propre site s’ils·elles n’en ont pas. Posséder un site permet l’autonomie, la maîtrise de la mise en avant de contenus, la curation, l’archivage… C’est le cas de Stupid Economics par exemple, présent sur YouTube, qui a créé Stupmedia.com. L’enjeu pour le Spiil est d’obtenir pour ces nouveaux médias la reconnaissance de la CPPAP (2). Nous œuvrons notamment pour que les podcasts et vidéos d’information soient pris en compte par la Commission paritaire car leurs publics sont de plus en plus nombreux. D’ailleurs notre représentante au sein de la CPPAP est Gabrielle Boeri-Charles, DG de Binge Audio.

La confusion entre information et influence d’une part, entre information et promotion d’autre part nuit à la confiance du public envers les médias. Que préconise le Spiil ?

Effectivement, de plus en plus de publicités sont présentées comme des contenus rédactionnels. C’était déjà le cas dans la presse papier ; le problème s’est transposé en ligne avec les publicités natives et les contenus de marque qui ne sont pas toujours signalés comme tels ou, pire, dont la mise en forme est calquée sur celle de l’information malgré l’obligation légale de transparence (3). La charte du Spiil encourage ses éditeurs à développer de bonnes pratiques en la matière pour signaler clairement les contenus publicitaires. Pour nous, cette confusion entre information et promotion est un critère excluant. Au-delà de cet enjeu, nous avons aussi porté une réflexion sur l’importance de l’éducation aux médias tout au long de la vie. Nous avons profité des dernières élections présidentielles pour soumettre une série de propositions visant à lutter contre la désinformation grâce au renforcement des politiques d’éducation aux médias et à l’implication des plateformes de réseaux sociaux. Il s’agit pour nous d’un vrai sujet de démocratie !

 

(1) Le Syndicat de la Presse Indépendante d'Information en Ligne (Spiil), créé en 2009, a pour  missions de « procéder à l’étude, à la représentation et à la défense des intérêts professionnels, économiques, déontologiques, matériels et moraux des éditeurs de presse en ligne indépendants, généralistes ou spécialisés ». Site : www.spiil.org

(2) La Commission paritaire des publications et des agences de presse est un organisme d'État chargé de donner un avis pour le bénéfice du régime économique de la presse. Elle associe à parité des représentants des administrations et des professionnels concernés.

(3) Loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans  l’économie numérique.

 

 Comment lutter contre la désinformation ?

Lors de la présidentielle 2022, le Spiil a émis sept « propositions pour une presse robuste, indépendante et plurielle ». Pour «  lutter contre la désinformation grâce au renforcement des politiques d’éducation aux médias et à l’implication des plateformes », le Spiil préconise de :

- augmenter les crédits alloués à l’éducation aux médias. Il s’agit de renforcer la capacité d’action du Clemi et de soutenir les entreprises qui interviennent dans les établissements scolaires pour sensibiliser les élèves à la démarche journalistique

- renforcer les mesures d’éducation aux médias, à l’information et à l’esprit critique, y compris dans les filières techniques et technologiques

- améliorer la formation des enseignants sur les médias et l’information (formation initiale et réactualisation régulière des connaissances)

- obliger les plateformes de réseaux sociaux à plus de transparence sur leurs algorithmes (pour protéger le pluralisme et éviter les phénomènes de polarisation de l’opinion publique)

- veiller à ce que les utilisateurs de plateformes soient exposés à une pluralité d’opinions (permettre de paramétrer ses préférences, interdire aux plateformes de favoriser des médias avec lesquels elles ont conclu des accords commerciaux)

- renforcer la visibilité des fact-checkers sur les plateformes (par rapport aux comptes diffusant de fausses informations).

 

Karine Baudoin pour Le Club de la presse Occitanie. 

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