Vous êtes concernée de longue date par la thématique de l’égalité professionnelle femme-homme.
En 2000 vous avez publié Femmes au travail, de qui se moque-t-on ? (Prat Éditions), où vous faisiez le constat que cette égalité n’existait nulle part, mais qu’une réelle volonté politique pouvait faire avancer les choses. Aujourd’hui en 2018, diriez-vous que les choses ont évolué ?
Je dirais que l’on progresse lentement. Il n’est pas illégitime d’être impatient(e) mais il faut se rendre compte que nous avons 2000 ans d’Histoire derrière nous et qu’il est difficile de renverser la table d’un seul coup. Le mouvement d’émancipation des femmes (les Suffragettes, la lutte pour l’IVG) sont finalement très récents. De surcroit, en réclamant l’égalité professionnelle, on s’attaque à des choses fondamentales, à l’organisation du monde. On remet en cause la relation mère/enfant qui est cruciale, et d’ailleurs certaines femmes ne le souhaitent pas non plus. Donc, il est normal que cela prenne du temps. Il faut néanmoins rester hyper vigilant, toujours pousser dans le bon sens, tous les jours, et ne pas oublier que les leviers sont multiples, qu’il faut agir sur plusieurs fronts : places en crèche, organisation du monde du travail, partage de tâches dans le ménage, etc.
Vous constatez que les femmes doivent se fondre dans le moule de l’entreprise, mais que jamais l’adaptation ne se fait dans le sens inverse. Et vous, comment avez-vous fait ? Les grandes entreprises par lesquelles vous êtes passée (Europe 1, Canal +, LCI) se sont-elles adaptées à vous ?
Non. Je me suis toujours adaptée aux entreprises dans lesquelles j’ai travaillé. De surcroit les métiers de l’information à chaud sont dévorants. J’ai fait des choix et des sacrifices, souvent celui de rester au bureau le soir plutôt que de rentrer à la maison. Certes, les hommes le font aussi, mais la société leur facilite la tâche : un homme qui rentre tard et travaille beaucoup est valorisé, on dit qu’il fait une belle carrière. Pour les femmes, le sacrifice est d’autant plus dur que vous devez vous en excuser. Le conjoint peut trouver cela écrasant, pénalisant pour la vie de famille, et la question plane toujours au-dessus de vous : êtes-vous une bonne mère ? une bonne épouse ?
En tant que directrice de la rédaction de BFM, avez-vous une approche managériale plus attentive avec les femmes ?
Il est évident que je ne me permettrais pas d’avoir un traitement différent avec les femmes par rapport aux hommes. Ça ne serait d’ailleurs pas leur rendre service. Il n’y a donc pas de facilités ou d’aménagements particuliers pour les femmes. En revanche, le simple fait que je sois une femme permet d’avoir des discussions plus simples sur des sujets liés aux femmes. Je sais par exemple qu’une journaliste qui revient travailler après un congé maternité vit un moment particulier, pas forcément facile à gérer. Raccrocher le wagon après plusieurs semaines dans un tout autre monde peut être difficile. Je suis attentive, mais je ne fais pas de privilèges. Par ailleurs, sur les recrutements, nous faisons attention à ce qu’il y ait des candidatures de femmes pour chaque poste. Chez BFM, beaucoup de chefs de rubrique sont des femmes, y compris sur les sujets régaliens comme la politique. Mais force est de constater les choses se corsent quand on regarde les postes plus haut placés (DG, PDG).
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