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La pratique du coworking serait-elle un accélérateur de compétences pour les communicants ?

Des professionnels de la communication vivent une évolution de leur métier par le partage de compétences dans des espaces collaboratifs. Cette pratique du coworking leur donne de nouvelles opportunités d'évolution professionnelle.

Réseautage, entraide, nomadisme, culture du numérique sont les maîtres-mots de la pratique du coworking. Pourquoi souhaitons-nous parler de pratique plutôt que d’espace collaboratif ? Car cette forme de travail peut se faire aussi bien dans un espace physique que sur un espace numérique. La crise sanitaire de la COVID-19 nous l’a bien prouvé avec le travail en distanciel (zoom, réseaux sociaux d’entreprise…).  Cette pratique consiste à échanger des savoirs et des astuces techniques dans un environnement favorisant les interactions sociales. En 2019, ces espaces générateurs de réseaux sont de l’ordre de 1200 en France soit l'un des pays des plus dotés au monde et plus d’une vingtaine à Montpellier. Comment les professionnels de la communication développent-ils leurs compétences en intégrant ces réseaux ? Nous avons rencontré quatre communicants qui ont fait le choix de pratiquer le coworking dans des espaces collaboratifs montpelliérains. Leurs témoignages donnent des perspectives sur l’évolution du secteur de la communication. Ils confirment aussi de nombreuses recherches menées en Sciences de Gestion (Flores, 2019 ;  Blein 2016 ; Burret et Pierre, 2014).

Florent Bellouard, journaliste d’entreprise et Anne Dubost, attachée de presse, entrepreneurs-salariés et associés de la coopérative d’activités et d’emploi Crealead nous font part de leurs retours expériences : 

Florent Bellouard : « Quand je suis rentré à Crealead, je souhaitais continuer à rédiger des articles et des présentations pour les entreprises. En répondant à des appels d’offres, mon métier a changé car j’exerçais avec des architectes, des urbanistes et des statisticiens. Ces appels d’offres sur l'environnement, la concertation et le patrimoine m’ont amené à utiliser mes compétences transversales en rédigeant un récit territorial pour faire la promotion touristique. Pourquoi transversales ? Parce qu'en tant que journaliste on sait capter, synthétiser et retranscrire. J’ai découvert tous les logiciels qui permettent de travailler en équipe : Trello, Muro, Google Drive et puis avec le confinement la visioconférence ». Il diversifie ses lieux de travail pour générer de nouvelles collaborations : « Je suis à La Ruche depuis un mois. Il y a des accointances avec certains parce qu'on a des métiers complémentaires. Je travaille avec une entrepreneure spécialisée dans les réseaux sociaux, moi, ça va être plutôt sur l'écrit de fond et la sémantique. Je peux donc trouver de nouvelles ressources. ». 

Anne Dubost : « Via mon agence de communication, je travaille à l'international, c'est très ciblé secteur bio. Jusqu’à présent, je n’ai pu établir de synergies que très rarement au sein de la coopérative. Depuis que je suis à l'espace de coworking de la Halle Tropisme, j’ai rencontré beaucoup de gens qui sont dans l'audiovisuel et la communication. J’ai collaboré avec une jeune graphiste allemande pour une relecture croisée. Je m’étais retrouvée bloquée pour une grosse traduction que je devais faire en allemand. Etant plus jeune que moi, elle connaissait les nouvelles tournures qui sont adaptées aux marques. Enfin, il y a beaucoup d'initiatives à la Halle Tropisme en communication interne dont une messagerie qui fonctionne très bien avec Link. ». 

La pratique du coworking permet à d’autres de se reconvertir en mobilisant des compétences techniques au service de leur nouveau métier. C’est le cas de Claire Schneider, fondatrice et facilitatrice du tiers-lieu L’Abreuvoir Général d’Avèze : 

«Être résidente à Tropisme, cela m’a fait prendre conscience de l'importance de ces nouveaux lieux hybrides. J’ai eu envie de faire évoluer ma propre activité professionnelle puis Covid faisant, le changement du travail en communication, l’arrivée de la formation à distance, ça a participé à ma reconversion. J’ai donc suivi une formation d’un an en gestion de tiers-lieu. J’y ai appris le métier de facilitatrice, le montage d'un business plan, des techniques juridiques et financières. Être facilitatrice met en lien la communication interne et externe. Je me suis aperçue que je ne connaissais pas tous les outils de communication internes. Maintenant, j’utilise des outils libres tels que Loomio pour la prise de décision collective, Slack pour la communication interne et les Framas. J’ai acquis ses compétences en étant dans des groupes d’échanges de bonnes pratiques, cela participe de l'acculturation. J’y intègre ainsi mes compétences de communicante dans mon nouveau métier de facilitatrice et gestionnaire de tiers-lieu. Je peux ainsi faire la promotion de mon tiers-lieu sans avoir besoin de faire appel à une personne ”. 

Enfin, la pratique du coworking est aussi un moyen d’associer deux métiers, celui de communicant avec celui de chef d’entreprise. Voici le témoignage de Léo Laydevant, graphiste : 

“ Ce qui me plaît c'est de faire toute la chaîne de communication c'est-à-dire de la stratégie à la création. J’ai décidé d’être entrepreneur parce que j'ai un réseau et j’ai envie d’être autonome. La première année a été difficile, Il y a beaucoup de choses que l’on ne voit pas, dont le fait d’avoir plusieurs casquettes : graphiste, chef d’entreprise, gestionnaire administratif et financier. Il fallait que je sorte de chez moi pour trouver des personnes qui soient un peu plus seniors et qui puissent me conseiller. Je suis allé à l’espace de coworking Come'N'Work. J’ai rencontré une spécialiste en droit, une start-up qui m’a aidé à valoriser ma marque. J'ai découvert la technicité entrepreneuriale sur la construction d’un business model avec Excel. Petit à petit, j’ai appris à être plus autonome. Pour moi, le coworking est un accélérateur de connaissances transversales. 

Sa montée en compétences s’est également faite par le transfert de connaissances en devenant formateur à son tour : “J’ai aussi eu un rôle de formateur car on me demande de l’aide en graphisme, on a fait des ateliers sur la création de cartes de visite et sur l’impression”. La pratique du coworking donne aussi à renforcer son savoir-être en sachant poser des limites : « J’ai vu d’autres communicants et des graphistes se faire manger par leurs propres clients ou des coworkers car ils ne posent pas de cadre. La plupart des gens sentent les personnes gentilles qui donnent de leur temps gratuitement ».

Ces témoignages illustrent l’évolution des métiers de la communication. Les profils sont “poly-compétents” selon le cabinet de recrutement Accile. D’après l’enquête d’Ipsos sortie en 2020, ces métiers connaissent à 96 % des transformations dans les grandes entreprises avec le renforcement du community management et la transformation numérique. Certains observent même une externalisation des compétences d’après le média « j’ai un pote dans la com’ ». Ne serait-ce pas une opportunité pour devenir des slashers en alliant l’entrepreneuriat au salariat ?

Sources : 

 Flores, Laura. “Apport de la pratique du coworking dans le capital social et reconnaissance de l’altérité : une dynamique d’échanges de ressources dans une coopérative d’activités et d’emploi”, thèse soutenue en décembre 2019.

Blein, Alexandre. « Le coworking, un espace pour les transactions hors marché ? La valorisation des réseaux sociaux pour travailleurs indépendants », Réseaux, vol. 196, no. 2, 2016, pp. 147-176.

Pierre, Xavier, et Antoine Burret. « Animateur d'espaces de coworking, un nouveau métier ? », Entreprendre & Innover, vol. 23, no. 4, 2014, pp. 20-30.

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