À tout début d’année, son lot de bonnes résolutions qu’on va plus ou moins suivre. Et si on en profitait de ces good vibes 2024 pour debunker ensemble cinq idées reçues sur le journalisme culturel qui ont la vie (un peu trop) dure ?

1 - Tu vas encore au spectacle. Tu te fais plaisir, dis-donc ! 

En théorie, j’aime aller au spectacle comme j’aime écrire des articles. Mais je préférerais parfois rester chez moi plutôt que de m’enfermer dans une salle de spectacle pendant 2h. Il y a des propositions artistiques qui me touchent, me font vibrer, me questionnent, m’enthousiasment, et d’autres que je trouve trop longs, trop intellectuels, trop peu abordables par le grand public. Ou tout simplement pas bons, ça arrive. Si cela peut avoir de bons côtés, le journalisme culturel a ses contraintes, comme dans n’importe quel métier. À chaque spectacle, sa raison de le regarder. J’y reviendrai un peu plus bas.

 

2 - Est-ce que tu pourrais me filer des places gratos ?

Puisque le journaliste serait en quelque sorte un surconsommateur de culture, il pourrait au moins partager le gâteau. Et donner des places, surtout aux amis… Quelle incompréhension ! La plupart du temps, le journaliste se contente de demander une seule place pour aller voir le spectacle, l’expo, le film sur lequel il a écrit ou va écrire un article, à moins qu’il ne souhaite juste se tenir à jour de ce qui se fait en termes de création artistique. Les salles, associations, lieux de culture ayant de plus en plus de mal à faire face à la hausse des coûts comme à la baisse des aides publiques, il est rare d’avoir deux places estampillées presse pour un spectacle. Au final, le journaliste est souvent assez solitaire, passant beaucoup plus de temps devant son ordinateur que dans une salle de concert ou un théâtre.

 

3 - Le journalisme culture, c’est surtout de la pub.

Deux ressources importantes de la presse : la publicité et les ventes (sur abonnement ou au numéro). Les accords publicitaires passent parfois par des opérations permettant à un média (presse écrite, radio, TV, web…) d’avoir des places à faire gagner à ses lecteurs ou à ses annonceurs VIP. La culture a en effet un aspect attrayant, apprécié par le plus grand nombre. La plupart du temps, les médias ont une ligne éditoriale totalement indépendante des accords commerciaux. De plus, les entreprises, institutions, structures associatives qui paient une publicité dans un magazine savent que ce n’est pas dans leur intérêt que la qualité des articles les concernant ne soient pas de la même qualité que les autres. Au contraire. Pour rappel, les publi-rédactionnels sont strictement réglementés en France : cela doit être mentionné clairement. Alors si vous lisez de la bonne presse culturelle, vous verrez qu’il y a la même démarche journalistique que pour un article économique.

 

4 - Les cultureux se prennent sacrément la tête quand même…

L’argument fatal : les journalistes culture écriraient des articles pour un lectorat d’initiés. Leur charabia serait souvent trop obscur, leurs propos réservés à une élite car les artistes eux-même seraient souvent un peu perchés blablabla… La culture s’en prend souvent plein la tête, pour diverses raisons qui nous prendraient trop de temps à passer ici en revue. Économiste, scientifique, boulanger ou artiste (peu importe le genre, peu importe le métier) ne rime pas souvent avec pédagogue. Il est vrai que le milieu culturel tend souvent à valoriser un discours théorique, conceptuel, qui mériterait à être plus ouvert sur le grand public. C’est pourquoi le rôle du journaliste est important : il permet de faire le lien entre le discours et la réalité, la théorie et l’expérience sensorielle, la chronologie et le processus de création. Il est là pour ouvrir des portes, donner des clés, permettre le dialogue et ouvrir les horizons critiques.

 

5 - C’est pas vraiment du journalisme…

Je pense que tous les points précédents répondent à cette question. Comme toujours, il est plus facile de critiquer que de faire. Surtout de faire bien. Le journalisme est une ensemble de contraintes (taille de l’article, angle choisi…) autant qu’une démarche didactique (qui, que, quoi, où, comment, pourquoi) plus ou moins approfondie selon la ligne éditoriale. Un peu à part, la critique artistique se pose à la frontière du journalisme culturel, plus personnelle, plus littéraire, plus incisive aussi souvent. Mais il en est de même pour les éditos des journalistes politiques par exemple. Au final, écrire (comme faire un reportage radio ou TV) sur des spectacles, des artistes et/ou des événements, est surtout un service rendu aux citoyens qui souhaitent se cultiver. D’une certaine manière, cela signifie leur permettre de consommer de la culture, selon leurs goûts et leur budget (dont de nombreuses propositions gratuites), contribuant à faire vivre une économie culturelle qui créé des emplois comme des idées. Imaginez un instant un monde sans culture, et vous verrez à quel point cette dernière est essentielle, irriguant de nombreux champs sociétaux et économiques. Autant de raisons pour lesquelles elle doit être partagée, critiquée, racontée.

 

Quid de la culture ?
Voilà un mot que chacun définit un peu à sa sauce. Voici une partie des domaines listés sur le site du ministère de la Culture : théâtre, danse, musique, photographie, cinéma, littérature, arts plastiques, cirque, industries créatives et culturelles, architecture, mode, design…

 

Alice Rolland

rolland.alice@gmail.com

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